Le documentaire d'Arte « L’œil, le pinceau et le cinématographe » de Stefan Cornic présente le voyage en train comme une expérience artistique.
Pourquoi l'invention de ce nouveau moyen de transport a permis de changer notre regard à l'époque ?
L'expérience pré-cinématographique
Des sièges confortables, un paysage qui défile par la fenêtre... Le train incite le voyageur-spectateur à la rêverie. La fenêtre constitue un cadre, comme celui d'un écran de cinéma et l'emporte dans une sorte de narration visuelle, dynamique et immersive. L'artiste Tacita Dean définit le train comme un « médium pré-cinématographique ». Cette vue extérieure du paysage en mouvement crée les conditions de ce que le réalisateur Louis Lumière appelait une « vue photographique animée ».[1]
Le train invente ainsi deux techniques de tournage de cinéma : le travelling latéral et le cadrage.
Le train comme source d'inspiration
Le voyage en train a été une expérience précinématographique mais aussi une source d'inspiration pour les cinéastes pionniers. Les trains et chemins de fer deviennent donc un sujet récurrent du 7e art, dès sa naissance, avec notamment le célèbre film "L'arrivée d'un train en gare de La Ciotat" réalisé par les frères Lumière en 1895. Effrayé par le réalisme de la scène, le public aurait eu un fort mouvement de recul. Les deux réalisateurs ont réussi à capturer l'excitation du voyage en train et ont contribué à l'évolution du langage cinématographique.
L'expérience du voyage en train est ainsi profondémment liée à celle du cinéma, en raison de ses similitudes avec les aspects visuels et narratifs, ainsi qu'à son histoire, puisque le train est souvent l'un des personnages du film.
Le spectacle des gares
La peinture prend aussi les trains, les gares comme sujets. J. M. W. Turner, auteur de la fameuse toile Pluie, vapeur et vitesse (1844) ou Claude Monet avec La Gare Saint Lazare (1877) - inaugurant une pratique sérielle avec douze toiles où le cadrage et la lumière varient - présentent leur vision du ferroviaire. L’historienne de la culture de masse Vanessa Schwartz parle même de « spectacularisation » ; les chemins de fer, les gares deviennent un spectacle à la fois visuel et sonore lors de la Révolution industrielle. Dans « le théâtre des gares », les Parisiens découvrent « la mise en scène » des départs de train, où les locomotives entrainent les wagons avec d’impressionnants jets de vapeur.[2]
En somme, le voyage en train a offert bien plus qu'un simple moyen de transport, il a transcendé son rôle utilitaire pour devenir une source d'inspiration infinie.
Dans une ère de technologies très avancées et de voyages toujours plus rapides en avion, le train nous invite a apprécié une certaine lenteur, chaque étape et nous évoque un sentiment de nostalgie et d'émerveillement, rappelant une époque où le monde était plus vaste et où chaque trajet était une aventure.
Que ce soit à travers le cinéma, la peinture ou d'autres domaines artistiques, le voyage en train reste une toile vierge prête à être explorée par les esprits créatifs. L'expérience immersive, les paysages en constante évolution, le "spectacle" des gares, les émotions capturées lors des départs et des arrivées continueront d'inspirer les artistes à créer des œuvres qui transcendent le temps et l'espace.
Alors, la prochaine fois que vous monterez à bord d'un train, prenez un moment pour vous perdre dans la contemplation du monde qui défile par la fenêtre. Vivez-le comme un moment hors du temps, telle une expérience méditative et déconnectez-vous du réel. Peut-être trouverez-vous une source d'inspiration inattendue. Car, après tout, dans ce voyage en train, l'imagination n'a aucune limite.
[1] Renaud Machart ”L’Œil, le pinceau et le cinématographe sur Arte : naissance d’un regard cinématographique”, Le Monde, publié le 24 Octobre 2021, consulté le 16 Décembre 2021, https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/10/24/l-il-le-pinceau-et-le-cinematographe-sur-arte-naissance-d-un-regard-cinematographique_6099723_3246.html [2] Stéphane Sauget, « La spectacularisation de la technique dans les gares parisiennes au XIXe siècle », Romantisme, p23 à 33, https://www.cairn.info/revue-romantisme-2010-4-page-23.htm
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